Thirties

Des épisodes épicés que l'on compose à partir d'histoires et déboires de trentenaires, à la ville comme à la scène. Une grande tablée où il n'y a pas de règles, venez vous installer.

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Par Margaux Rouche
5 avr. · 4 mn à lire
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Épisode 3 : Crush amical

Je manque parfois de logique. C’est sans la moindre gêne que je répète trois fois, le regard perdu, “Où est l’Est ?” quand je demande ma route à quelqu’un. Les mathématiques, l’orientation, le bricolage… Des idées farfelues me viennent en tête mais rares sont les moments où je comprends les formules. Et si ma crédulité avait ses limites ?

A ces Hox Friends qui ont un jour chatouillé mon esprit naïf à Londres : Pharrell, Kim, Sarah, Steph et les autres.

Là où j’aime stimuler ma créativité, ce qui devrait déborder de bon sens n’en a aucun. C’est potentiellement ce qui a fait exploser cette canalisation à la con cet hiver, et qui m’a valu plusieurs “Margaux, quand il gèle, il faut couper l’arrivée d’eau à l’extérieur de la maison”. Même histoire quand la facture d’électricité est arrivée : je n’avais pas réalisé que mon chauffe serviette, cet amant contre lequel j’aime me lover après la douche l’hiver, me coûterait autant. Depuis qu’il est éteint, je me rapatrie sur mon teckel nain pour les câlins.

Si la logique n’a jamais été mon fort, je me suis souvent félicitée de ma lucidité… ou de mon  intuition du moins. Combien de fois ai-je prédit un rabibochage entre mes amies ? Saisi ce que l’autre préparait ? Compris que quelqu’un se trompait ou mentait ? Je suis une aventureuse mais la raison l’emporte sur moi quand je réfléchis bien. Je fonce tête baissée mais je mets mon casque, j’ai la main sur le frein et j’accepte de m’arrêter. Non pas que les chocs soient moins violents mais je pense les voir venir ou les ressentir en amont.

Et la naïveté dans tout ça ?

Je ne sais pas si l’on peut employer ce terme pour parler de notre “difficulté à accepter” la nature humaine sous toutes ses formes. Parfois, elle fait du bien et permet un peu de légèreté. Par exemple, on veut croire au meilleur quand on reçoit un sms d’un numéro inconnu signé AMELI (la sécu). On nous annonce que nos indemnités nous attendent et notre compte se voit vidé dans la minute si l’on clique sur le lien maudit. Une arnaque dont on ne préfère pas se souvenir mais voici un sujet bien plus intéressant qui continue de me titiller, il s’appelle Bumble for Friends.

Ces trois mots me rappellent une drôle de discussion de l'année passée. Bumble, vous connaissez certainement : plateforme et application de dating lancée par Whitney Wolfe Herd en 2014 aux Etats-Unis. Un succès international. Whitney a co-fondé Tinder (en 2012) et a quitté l’entreprise après avoir été victime de harcèlement sexuel au travail. C’est là qu’elle est contactée par l’entreprise Badoo qui lui propose de monter son propre empire, Bumble, avec des valeurs bienveillantes et un maxi-respect pour les personnes à ses côtés. Elle est par ailleurs la plus jeune entrepreneuse à voir sa société cotée en bourse, à seulement 31 ans. J’adore son personnage et je vous conseille de la suivre sur Instagram. Elle est très inspirante.

Phénomène Bumble

Dans l’idée, Bumble donne la possibilité aux femmes de dominer le game de la rencontre. C’est à elles que reviennent le droit de faire le premier pas, et donc d’écarter les relous. La mauvaise nouvelle, c’est que la première impression n’est pas toujours la bonne et qu’il est fréquent de finir en larmes dans le canapé avec un sachet de chips barbecue infâmes car il n’a pas rappelé. Évidemment que vous avez couché avec lui le deuxième soir (on ne va pas dire la vérité mais on sait entre nous que c’était le premier), il promettait des jours heureux sous les cocotiers et des sushis chaque lundi devant la télé.

Elle choisit son date et sa fin de soirée.Elle choisit son date et sa fin de soirée.

Une appli de rencontres pour de nouveaux amis

Bref, Bumble a fini par lancer ses verticales : Bumble for Friends (BFF donc de bons copains qui n’en veulent pas à vos seins) et Bumble Bizz (pour tisser des opportunités business). Niveau pro, je ne suis pas prête à passer ce cap. Quant à l’idée de créer de nouvelles amitiés dans un lieu qu’on ne connaît pas, ou suite à un gros changement de vie… pourquoi pas ! 

Le jaune très flashy de Bumble, aussi célèbre que le orange Basic Fit.Le jaune très flashy de Bumble, aussi célèbre que le orange Basic Fit.

Elise cherchait l’âme-soeur, elle l’a trouvé(e)

C’est en tout cas la réflexion que je me suis faite quand j'ai parlé à Elise, une femme super sympa croisée dans une soirée parisienne. On a dîné côte à côte, et le feeling l’a convaincue de me partager cette anecdote intéressante.

Elle a 37 ans quand François la quitte. Avec et pour lui, elle a tout fait : déménager à Tours, deux enfants, un frigo américain, des vacances entre épouses de golfeurs fanas de sacs pliages et de DIY, les dimanche boeuf carotte avec belle-maman en détestant les deux, le maillot intégral pendant plus de 10 ans car monsieur préférait sans poil. Depuis, il s’est barré vivre son mange, prie chie, aime baise avec une Julia Roberts de 29 ans. Elise ajoute la grossièreté “connard” à chaque fin de phrase. Je ne lui en veux pas, j’écoute comme je regarderais une série télé.

Joey Tribbiani ne mange pas que de la pizza

C’est quand elle s’est retrouvée seule chez elle, dans cette ville qu’elle n’avait jamais explorée ou occupée sans François qu’elle a réalisé qu’elle devait créer son propre cocon. Et ça passait par la case des amitiés, d’où sa volonté de jouer la carte de la modernité et d’utiliser la fonctionnalité Bumble for Friends. Au départ, elle ne papote qu’avec des femmes (dont Caro, jeune divorcée un peu usante mais marrante) mais son agenda bien chargé l’empêche de planifier la moindre sortie. C’est ensuite un homme, qui vit à deux pas de chez elle, qui lui écrit quotidiennement. Appelons-le Andrea. Elise se voit totalement partager une bière avec lui. Il lui semble bienveillant et lui rappelle Joey, le personnage loufoque de la série Friends. Un homme que l’on “réjouit” avec une part de pizza.

Joey, incontournable séducteur de la série Friends.Joey, incontournable séducteur de la série Friends.

C’est lors de leur première soirée qu’elle lui partage quelques confidences. Andrea écoute, rit, la rassure, il paye même l’addition. Dans la voiture, il lui explique qu’il est heureux de la connaître puis lui demande sa pointure. Une drôle de question qu’il enchaîne avec une proposition soit le traditionnel petit rhum à la maison. Elise dit oui, elle l’apprécie. A peine arrivés, il tente de l’embrasser - justifiant son acte par une certaine connexion spirituelle qu’il aurait ressentie entre eux. Elise, qui espérait un premier ami gay pour parler de toxicité masculine, ou un BFF qui l’emmènerait trouver l’amour dans un bar à cocktails, se retrouve coincée avec un homme qui n’a clairement pas les mêmes attentes qu’elle. Lui expliquant rapidement qu’elle n’est pas prête à se relancer dans une relation, elle s’échappe et dit au revoir à Andrea. De retour à la maison, elle appelle son frère jumeau qui se moque de cet échec : “Tu penses vraiment que les gens vont juste sympathiser avec toi sur une application qui s’appelle Bumble ?”.

La semaine suivante, elle voit Caro, son premier match Bumble for Friends qui était finalement le bon. Ensemble, elles rient de l’épisode Andrea - l’homme qui ne voulait pas d’Elise comme BFF mais plutôt comme PC (vous l’avez, on le sait). L’équation amoureuse du “moins un, plus un” prenait donc sens : mieux qu’un amant aujourd’hui, Elise gagne une amie. 

Qu’est-ce qu’on cherche, si ce n’est soi ?

A l’écoute de ce récit, je m’interroge car moi aussi, j’aurais couru vers cette bière avec Andrea en pensant qu’il deviendrait peut-être mon frère de coeur. Ce regard sur la situation fait-il de moi une personne naïve ? Elise l’est-elle aussi ?Je n’aime pas ce mot ou alors, faisons-en quelque chose de bien plus positif. Par exemple : nous avons l’appétence de croire qu’il soit possible d’être ami.e avec une personne du sexe opposé sans avoir envie d’un tour de manège à quatre pattes à ses côtés. Ou que des rencontres après 30 ans puissent reposer sur la simple envie de se socialiser, sans forcément trouver le grand amour ou finir la nuit dans le même lit. C’est aussi ce que Bumble For Friends prône, reste à voir si les sujets y étant connectés sont tous sur la même longueur. Et qu’en est-il de l’inverse ? Quid de chercher l’amitié et de trouver l’amour… 

La finalité reste similaire : un rebond de vie, c’est un millier de possibilités, de nouvelles rencontres et facettes de sa personnalité à explorer. Bien plus excitant que la naïveté, il s’agit d’oser : c’est comme aller au restau avec la retenue d’une salade Caesar et de terminer avec un burger double cheese dont on rêvait. Prenez ce qu’il y a à prendre mais mangez surtout ce que vous voulez.

P.A (Plaisirs Assumés) : une escapade entre copines à Waer Waters et le dernier sac Parigot Rouje avec une couleur aussi forte que celle de Thirties.