Thirties

Des épisodes épicés que l'on compose à partir d'histoires et déboires de trentenaires, à la ville comme à la scène. Une grande tablée où il n'y a pas de règles, venez vous installer.

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Par Margaux Rouche
4 mai · 3 mn à lire
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Épisode 5 : No pain, no gain

Il y a 8 ans, je pars en voyage de presse et rencontre une jeune journaliste. On s’apprête à découvrir les studios de Harry Potter, une passion qui nous rapproche aussitôt. On discute boulot, Gryffondor puis elle me parle de son projet de podcast : La Leçon. Je la trouve un peu jeune pour jouer les pédagogues. Aujourd’hui, je comprends Rafiki.

Musique de fond : All Star, Smash Mouth

Elle s’appelle Pauline Grisoni, elle est autrice le La Leçon, podcast sur l’art d’échouer depuis une paire d’années déjà. Je la rencontre à bord d’un Eurostar, en 2016, je pense. Ou avant, c’est arrivé plusieurs fois car nous sommes toutes les deux fanas de la saga Harry Potter. A l’époque, un petit reportage en backstage des films est une promesse d’audience pour les médias lifestyle. Autour d’un plateau repas direction Londres, Pauline me raconte. Nous sommes des “bébés” aux yeux de nos aïeux aux lunettes rectangulaires posées sur le bout du nez, de jeunes journalistes avec peut-être trop d’idées mais Pauline en a déjà de meilleures que moi : elle veut se lancer et son thème me surprend, puisqu’il s’agit des leçons de vie. Dans ma tête, je m’interroge. On ne bosse que depuis quelques années, on ne possède pas grand chose et nos amis les plus fidèles sont les chiens de nos parents. Je ne suis pas sûre de piger ce qu’elle veut raconter sauf un premier baiser avec la langue raté.

Découverte du podcast La Leçon, par ici.Découverte du podcast La Leçon, par ici.

La leçon, son école des sorciers

La différence entre nous deux, c’est que Pauline compte des expériences personnelles qui l’ont marquée puis menée à des réflexions que je n’aurais pas su avoir à cet âge. Et pour cause, je suis à l’époque en couple, ma semaine se résume à un métro, boulot, dodo agréable pendant que mes copines boivent des coups au pub Sullivan dégueu à côté du bureau. Tout le monde se porte à peu près bien chez moi, je n’ai perdu que très peu de personnes que j’aimais et je n’ai pas de réels soucis à signaler. Loin des bars à vin nature de bobo où l’on se retrouve désormais pour siffler du vin orange hors de prix et partager nos vies de trentenaires averties. Je prendrais des huîtres en entrée svp.

Aujourd’hui, Pauline continue d’interroger des personnalités venues de tous les univers avant de les prendre en photo sur son balcon parisien. Le thème de ces échanges qu’elle enregistre avec sa voix d’ange ? La claque dans la face qu’ils ont tous mangée à un moment de leur vie, et ce qui a changé depuis. Manu Payet, Bérengère Krief, Elsa Wolinski… Ils sont revenus sur un échec de parcours et la leçon qu’ils en ont tirée au micro de Paupau. Cette dernière est même allée jusqu’à rédiger Fiasco, un recueil de fails du quotidien qui fait du bien. 

Jane Fonda comme mentor 

De mon côté, mes trois dernières années m’ont permis de connaître de chouettes succès et des pétages de gueule suffisamment corsés pour que retentisse dans ma tête un jour sur deux cette vieille phrase “No pain, no gain”. Je me suis d’ailleurs questionnée sur l’origine de ce mantra bodybuildé, il me semblait improbable qu’il soit né avec le film mettant en scène Mark Wahlberg en 2013. C’est avec le plus grand des sourires que je découvre que l’on doit potentiellement ces quatre mots à Jane Fonda herself dans les années 1980. Période où l'icône animait des vidéos de fitness pour ses fololo - loin de YouTube et des réseaux sociaux.

Jane Fonda dans les années 80Jane Fonda dans les années 80

Douche froide vs jacuzzi bouillant

J’ai compris au fil du temps que mes amis les plus distants étaient finalement les plus matures. Et s’ils ont cette faculté à prendre du recul sur toutes les situations, c’est qu’ils parfois parce qu’ils ont vécu des épreuves vraiment dures plus jeunes. Là où les trentenaires sont souvent victimes de leurs propres décisions, certains de mes proches avaient été confrontés enfants ou étudiants à de violentes réalités sans avoir rien demandé. C’était auprès d’eux que j’obtenais les meilleurs conseils, quoique parfois un peu trop cash si je peux me permettre. Ils n’avaient pas de pitié pour les histoires de pacotille. La vie était trop courte. C’est en me plaignant un jour auprès de mon père que j’ai compris pourquoi ils auraient mon respect éternel : “Quand tu vis un drame à un âge précoce, tu as cette faculté à réfléchir avec ta tête avant de réfléchir avec ton cœur” m’a-t-il lancé. Moi, grande romantique et rêveuse bercée à la rom-com de mes propres parents qui batifolent depuis leurs 16 ans, j’avais du mal à concevoir que l’on puisse souffrir autant. Le cycle de la vie (ou de l’argent) allait évidemment bousculer mon petit bonheur mais je persistais à réfuter la malveillance ou l'égoïsme de certains de mes camarades en chemin.

Quatre mariages, deux divorces et un enterrement

La trentaine donc, est un enchaînement d’événements heureux comme tous les mariages ou pacs de nos potes. Un budget vacances que l’on n’utilisera que pour voir de belles robes blanches et des pièces montées que l’on n’aura plus foi à goûter. Pire encore, on collectionne désormais les cartes de remerciements de nos potes mariés, les faire-parts et les invitations sous-marines aux divorce parties de nos copines. Ne vous méprenez pas, je fais partie de ces chiffres flops et je me permets donc cette idée. Non pas que je sois frustrée, bien au contraire, il s’agit ici de ma propre leçon de vie. J’en parlais d’ailleurs avec Ginette, bientôt 93 ans, qui regrette ses années de chèques de félicitations aux fiancés. Chaque semaine, elle pourrait pointer à des funérailles - et l’idée de revoir de jeunes amants partager leur première danse l’attendrit vivement. “Ça passe à une vitesse” me lance-t-elle en serrant son pendentif familial très fortement. “Fonce, travaille dur et moque-toi des qu’en dira-t-on” rajoute-t-elle avant de commencer un nouvel épisode de Secrets d’Histoire avec Stéphane Bern.

L’horloge tournait, et cela semblait s'accélérer après 30 ans. Plutôt que de se plaindre de ses mésaventures, il fallait prendre ses échecs comme des cas pratiques qui nous permettaient d’avancer. Ainsi, on trouverait passionnant que de faire d’autres erreurs, d’apprendre, de tomber et de se relever pour de nouveaux succès. On est d’accord, ça devient excitant. Videz-moi un nouveau seau d’eau glacée sur la tête pour voir - je ne suis plus à un coup de froid près.

Cahier des charges

Résultat des courses : il y a de grandes chances que l’on soit à l’origine de la déception ou de l’arnaque que l’on subit. On a potentiellement accepté de vivre dans l’illusion, d’imaginer une réalité qui nous arrangeait ou fermé les yeux sur des actions qui nous reviendraient forcément en pleine tempe comme un boomerang (me revient des jours passés). Ce qu’on paye aujourd’hui, on l’a économisé hier et on le gagnera finalement après-demain. Chaque expérience frustrante incarne une leçon de vie qui nous servira à l’avenir. Soit on sera assez con pour la reproduire, soit on choisira la raison. Par exemple, je suis en mesure de vous dire que je tracerai toujours ma route dans les lobby des hôtels de luxe au regard d’un concierge trop beau pour être vrai. Je renverrai la bouteille montée dans ma chambre en guise de cadeau anti-jet lag et m’en remettrai aux mêmes deux hommes que Bridget Jones : surtout pas Daniel Cleaver ou Mark Darcy mais plutôt Ben & Jerry.

P.A (plaisirs assumés) : 4 kilos de glace à la pistache et un check-in accompagné d’un nouveau mec équilibré dans un hôtel de luxe que je n’aurais pas payé.