Thirties

Des épisodes épicés que l'on compose à partir d'histoires et déboires de trentenaires, à la ville comme à la scène. Une grande tablée où il n'y a pas de règles, venez vous installer.

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Par Margaux Rouche
26 juil. · 3 mn à lire
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Épisode 11 : Le sport

Commencer la journée par une activité physique me rend heureuse, voire fière. Je me sens mieux dans mes baskets, je déculpabilise aussi, au risque de m'envoyer deux piscines de rosé plus tard dans la journée. On est d'accord : le sport est un vrai sujet après 30 ans.

Musique de fond : Good as hell, Lizzo

Finies les colos UCPA de planche à voile pendant les vacances scolaires ! Dès 25 balais, le truc devient un lieu de rencontre pour weirdos passionnés. Une boum et un premier baiser près d’une tente bleue et jaune, ça passe à neuf ans mais hors de question pour des adultes. Bye l’école de danse et les rendez-vous hebdomadaires avec les copines pour préparer le ballet de fin d’année, s’entraîner à la barre et s’envoyer un Happy Meal à la sortie du cours. Aujourd’hui, je bosse encore à 19h00 et je ne sais plus pointer le pied. Plantée par le prof de tennis il y a quatre mois, j’ai fait mes adieux à mon challenge d’aller choper sur le court de RG cette année. Jeannot a justifié l’arrêt de nos classes particulières par un “je divorce, j’ai besoin de temps” et m’a abandonnée au moment où j’avais besoin de pratiquer mon revers.

Pourtant, j’adore le sport. Je bouge beaucoup (on me soupçonne un petit souci d’hyperactivité, j’ai énormément de mal à rester statique) et je vénère l’adrénaline que cette discipline me procure. Ce n’est même pas un sujet : “le sport, c’est bon pour le moral et la santé”.

Eternel dilemme

Le souci, c’est que je me lasse après 15 minutes de secousse, sauf s’il s’agit d’un cours de jazz sur Janet Jackson et que je connais déjà les pas. Ou alors, on parle d’une session yoga pas trop violente, avec la petite intention au début (tu dédies ta pratique à une pensée positive) et les larmes de libération à la fin pour couronner le tout. Namaste.

En règle générale, j’ai dû mal à tenir le rythme - à cause de l’agenda et des tentations de tout simplement faire autre chose d’intéressant. Prendre un verre en terrasse, filer dans Paris, dîner au resto en bonne compagnie ou binge watcher une série avec une plaquette de crunch et un BG. Sans surprise, j’oscille entre des bras qui se dessinent (ce ventre bien tonique qui me manque terriblement) et la silhouette d'une fourchette en acier habillée d’une peau d’iguane. Certes, je connais les meilleurs plans pour des jeans qui remontent les fesses mais stop, j’ai pigé chef. Un beau cul, c’est bien mais un esprit sain dans un corps musclé - encore mieux.

L’exorciste

Le sport est un exutoire :  il permet l’alignement des planètes et le recouvrement des problèmes. Prenez mon samedi de juillet par exemple, où très angoissée par les tracas du quotidien, j’ai reçu un message de mon meilleur ami me proposant d’aller se vider la tête à bicyclette. Sous 30 degrés et prétextant un rendez-vous, je le suppliais de rentrer au bout de 20 minutes. On a fini par faire 20 bornes à belle allure, je ressemblais à une fraise avec des cheveux et j’aurais pu continuer pendant des heures. Moi qui trouvais les gens moches après l’effort, je me sentais invincible d’avoir accompli le challenge que l’on m’avait donné. Trempée, torse bombé et jambes défoncées par les orties, je suis rentrée chez moi avec l'approbation de mon coéquipier : “t’as du potentiel, faut juste l’exploiter une bonne fois pour toutes”. Le mec court un marathon, l'estomac vide, avant une pinte et un poulet rôti, donc facile à dire à sa tartine de pote et sa passion Dinosaurus pour le petit-déjeuner. J’ai beau faire la planche tous les matins et enchainer sur 40 squats, cet exercice n’a aucun impact sur mon mental si ce n’est de transformer ce rituel en une addiction chelou. Mieux que le paquet de Vogue fumé dimanche aprem, vous me direz, mais aucune satisfaction à se défouler.

Mon amie Émeline détestait le sport. Trois grossesses, l’arrêt de la cigarette et la gestion de son équipe de foot lui ont donné envie de courir, un peu à la Forrest Gump. Galoper plus loin, plus longtemps, la tête vidée et le corps déconnecté des difficultés du quotidien. La voilà engagée sur un marathon pour ses 40 ans. L’entendre me donne envie de m’y mettre et d’ôter de moi cette aversion pour la course. Bonne nouvelle, j’ai promis à une enfant de m’envoyer 13 km sans m’arrêter en 2024 et je sens enfin mon esprit prêt à s’y adonner.

Voulez-vous bouger avec moi, ce soir ?

Je me suis marrée en lisant un article du New York Post sur le pickleball, un sport de balle devenu réel moteur de rencontre dans la Grosse Pomme pour les célibataires trentenaires. Les terrains se multiplient dans Manhattan, tout comme les hot singles qui viennent y trouver l'âme sœur. Le sport rapproche en 2024 tout autant qu’un bon restau et un millésime de Château Chasse-Spleen. Ou alors est-ce le naturel qui l’emporte ? Une copine, Sofia, a rencontré le papa de sa fille à la salle de sport - en soulevant des poids me précise-t-elle. Je vais depuis chez Basic Fit avec une cagoule, j’ai beaucoup de mal à interagir suante, essoufflée et en brassière. “Tu mens” me fait remarquer mon amie de Lisbonne avec qui je voyageais il y a une paire d’années, et elle a raison : j’ai rencontré B. après un cours de hot yoga auquel je n’avais pas envie d’aller - les cheveux en pétard et le nez dégoulinant. Est-ce que j’aurais eu cet effet si je sortais de la douche toute apprêtée ? Quoi qu’il en soit, les dés sont jetés.

Besoin de toi, envie de rien

Chacun entretient une relation unique avec le sport, je crois que l’important est d’être en phase avec soi-même - de rester actif et de se challenger un soupçon. Si je ne supporte plus la couleur orange cheddar de la salle de sport low cost à laquelle j’ai souscrit il y a peu, l’été et les beaux jours sont une invitation à rester dehors. Courir, pédaler, installer le tapis d’exercice sur la terrasse ou dans le parc à côté : se vider la tête, téléphone en mode avion et ne penser qu’à soi. On sous-estime la libération de ces moments et leur impact sur notre santé mentale. Non ce n’est pas une perte de temps, ou d’argent bien au contraire : c’est comme une attraction que l’on s’autorise pour survivre et tout envoyer sur le long terme.

PS : j’ai couru ce matin, ça faisait longtemps et quand ma sœur m’a dit que j’avais passé la barre des 3 kms, j’étais plus fière qu’après un premier date réussi. C’est parti, merci le sang, tu m’as réveillée.

P.A (Plaisirs assumés) : un full ensemble Alo pour se trémousser jusqu’au studio de yoga et une gourde Hydroflask car je ne jure que par ça.