S2 Ep 13 : la nostalgie des fêtes

Le sapin est dans le salon depuis novembre, tradition familiale oblige. Comme un bocal à pièces pour les gros mots, l’arbre de Noël semble veiller sur notre capacité à être gentil, avec nous-même comme avec notre prochain. Le tout, arrosé d’une bonne dose de nostalgie, aussi réconfortante que dangereuse.

Thirties
3 min ⋅ 27/12/2025

Musique de fond : Where are we now, David Bowie

A nous quatre

24 décembre : assis au comptoir, nous échangeons des cadeaux, des rires et des assiettes partagées à la fourchette. Le plateau de fruits de mer est grandiose ; il pourrait y avoir trop à manger si nous n’avions pas décidé, très sérieusement, que rien ne serait gâché.

Notre quatuor est réuni. Pas de mamie, de cousins, d’amoureux ou d’ange anonyme cette année, faute d’organisation. La table à manger n’est pas dressée. Je me surprends à la fixer comme dans un flash du dessin animé Anastasia : j’y vois ceux qui s’y installaient chaque année et qui ne le feront plus. Le réveillon était autrefois une valse familiale à plus de vingt danseurs. Puis le cycle de la vie a fait son travail et certains ont quitté la table à notre dépens tandis que d’autres n’y sont tout simplement plus les bienvenus.

Je pince la lèvre inférieure et je souris. C’est la première édition qui ne me fait plus ruminer depuis longtemps. Je suis bien, à ma place, et je n’aimerais être nulle part ailleurs à cet instant précis. Malgré quelques insultes au volant plus tôt dans la matinée, je m’adoucis. Je ne râle pas parce que le dernier blini est tombé par terre. Je pense au passé avec une bienveillance qui me surprend. Bêtement, je souris et prends le temps de souhaiter de joyeuses fêtes à ceux qui me manquent. Et puis je pense à ceux qui, à leur tour, traversent ces 24 et 25 décembre avec le vide au ventre.

Réconfort à mon prochain

Un départ inopiné. Une vie qui ne leur convient plus. Une absence qui effondre. Une situation devenue insupportable. Ou simplement le fait d’accompagner quelqu’un qui ne va pas bien et qu’il faut tenir. Des rocs, eux aussi, qui méritent qu’on leur souhaite de joyeuses fêtes. Et à qui l’on peut répéter, avec assurance, que 2026 sera leur année. Croyez-moi sur parole : le changement est bouleversant, et les fêtes sont souvent de cruelles occasions de réinventer le passé à coups de '“et si” qui fracassent les cœurs.

Nostalgie quand elle nous tient

Sur la carte de l’un des cadeaux déposés sous le sapin, je lis : “Merry Christmas, souvenir de votre enfance”, avant de déchirer le paquet comme une malpropre impatiente. À l’intérieur, une chaussette de Noël Bugs Bunny - kitsch au possible, et pourtant chargée de tant de Noëls passés entourée de grands-parents, d’oncles, de tantes et de cousins bruyants. L’œuvre d’art a été lavée, pliée, puis emballée avec soin pour rejoindre ce qui constitue désormais mon patrimoine personnel. Un objet, et des dizaines de bribes de souvenirs que je regarde avec affection depuis - même si sa présence sur la porte de mon salon peut objectivement me faire passer pour une timbrée estampillée Warner Bros.

Une coupe de champagne plus tard, je repense à ce que cette fichue chaussette a déclenché chez moi. Je m’adoucis encore. Je pense aux dernières années, aux personnes que j’aime ou que j’ai aimées. Du loup à l’agneau, je m’empare de mon téléphone et constate que je ne suis pas la seule à me nourrir de cette nostalgie, ni à la partager.

Noël, le retour des ex

Celui que je considère comme un frère me confie la même chose le lendemain à table. Mon amie Lisa aussi. On a tous reçu cette petite note inutile de quelqu’un que l’on ne relèvera pas. On excuse le manque de délicatesse, même pour les plus coureurs. “C’était bien quand même cette époque”, ou une vidéo de teckel nain sur une planche de surf : toutes les excuses sont bonnes pour reprendre contact. Et disparaître, dès le lendemain, à nouveau.

Nager droit devant soi

La beauté des fêtes, c’est sans doute de réaliser ce et ceux qui comptent vraiment. S’il manque du monde pendant ce dîner, c’est peut-être aussi l’occasion de se demander, lorsqu’on peut agir bien sûr, pourquoi on ne miserait pas sur 2026 pour rectifier les tirs. Considérer le futur, pour respecter mais ne plus regretter le passé.

P.A (Plaisirs assumés) : Une valise JEEP x DELSEY pour se tirer, un longboard SANTA CRUZ à livrer sur le lieu de vacances et un message à quelqu’un qui le vaut bien.


Thirties

Par Margaux Rouche

Journaliste et consultante en marketing éditorial, je mêle fiction et témoignages pour que mes lecteurs puissent s’identifier dans mes histoires.

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