S2 Ep 3 : les nouvelles copines

Attachée aux amitiés durables, j’ai rencontré mes indispensables une à une, entre l’école primaire et mon premier job. Moi qui croyais avoir perdu la foi de socialiser avec d’autres amazones, je réalise à 35 ans que l’énergie de nouvelles femmes dans ma vie est un véritable moteur. Qui l'aurait cru il y a encore deux étés ?

Thirties
4 min ⋅ 03/10/2025

Musique de fond : 2 B Loved, Lizzo

« C’est l’effet de groupe », me balance Jeanne, ma nouvelle acolyte. Chacune reste sur ses gardes, prête à courir un tour d’hippodrome, canif invisible à la main, redoutant qu’une vipère se cache parmi nous. Comme si nos paires nous avaient appris la méfiance plutôt que l’alliance. Alors je reste en alerte, façon Black Mamba dans Kill Bill - sauf qu’ici, l’arme ne sert qu’à couvrir mon ego et garder mes secrets. Résultat de la course : j’ai des copines et six rosés dans le nez quelques semaines après.

BABY RUN

Comme dans une nouvelle un peu bancale, tout commence autour d’un apéro (classique) avec une femme que je connais à peine. Elle court vite, et sa persévérance à aller toujours plus loin dans ses exercices m’impressionne. Moi aussi, j’ai envie de rejoindre ce gang de gens beaux aux détails fluo, qui prônent un mode de vie « fraîcheur » sur Strava un jour sur deux. Je rêve de ces kudos collés au cul, comme un mélange de coup de pied et d’encouragement, pour m’aider à aimer un sport que j’ai toujours détesté.

Nouvelle ville, nouveau départ : je dois me tisser des liens avec des âmes bienveillantes. Et c’est en lisant un article de la BBC au fond de mon lit, un mardi soir, qu’une idée un peu folle a germé. Parce que, soyons honnêtes, si les femmes peuvent être nos meilleures alliées, l’amitié entre Serena et Blair m’a quand même un peu traumatisée. Alors, pour créer de vraies synergies féminines, autant être toutes logées à la même enseigne : essoufflées et transpirantes.

Quid d’un sport challenge, de rougeurs assumées, de respiration mal gérée et de transpiration certaine pour y arriver ? Action, réaction : on crée un club de running pour débutantes et on recrute sur les réseaux. Objectif : réunir dix femmes qui s’épuisent après trois foulées autour d’un coaching collectif pour progresser et franchir des lignes d’arrivée ensemble. Les pousser au-delà de leurs limites, miser sur la cohésion pour tenir la cadence. Bam, on part sur un 10K ce week-end, des confidences hebdomadaires, Nike aux pieds.

Communauté, nouveau girlband

Un article passionnant sur Service95, intitulé “How Run Clubs Became The New Group Chat”, rebaptise les clubs de course en bars à copines. Et qu’on ne s’y trompe pas : après nos cinq bornes, on a souvent filé en terrasse pour un verre de vino bianco. C’est d’ailleurs toute la beauté de l’exercice, transformer une situation inconfortable en terrain de rencontre. Les “walk, jog, run” clubs rassemblent des femmes de tous niveaux, venues moins pour battre un chrono que pour créer du lien. Loin du sport individuel, c’est un prétexte social : on s’encourage, on se confie, on se retrouve après le run pour prolonger la discussion. Ces groupes deviennent de véritables espaces d’amitié moderne, où l’effort physique remplace les filtres Instagram, et où l’appartenance compte plus que la performance. Le bonus, ce sont des anecdotes, des red flags à analyser, des ex à partager et des fous rires à la pelle. Quarante minutes plus tard, il est possible d’éviter de simuler un orgasme ce weekend et de privilégier un moment pour soi ou en compagnie d’une acolyte tout juste rencontrée.

Après 30 ans, les nouvelles amitiés se font plus rares, mais elles existent encore, heureusement. J’essaie d’encourager mes copines à en créer, à provoquer des rencontres, à sortir un peu de leur zone de confort. Parce qu’en 2025, personne n’est vraiment à l’abri de finir seul(e) devant un ramen un vendredi soir, pendant que les autres ont mieux à faire. Et quand l’envie de parler, de rire ou de tester un nouveau bar à huîtres se pointe au milieu de la semaine, on se rend compte qu’avoir des alliées disponibles, et partantes, c’est un cadeau du ciel.

Club med, confessions et karma bancal

Puis, il y a l’expérience de vie : ces rencontres improbables avec des femmes aux histoires parfois rassurantes, souvent chaotiques, mais toujours profondément humaines. Je repense à cette nana, remontée comme jamais, croisée au comptoir de mon café préféré pendant que je commandais mon sempiternel flat white au lait de coco. À deux doigts de m’insulter de connasse bobo, elle semblait en guerre contre le monde entier, et j’ai tendu l’oreille. Gestionnaire de patrimoine, fraîchement séparée, elle s’était laissée séduire par un financier rencontré lors d’un séminaire à Opio. Deux heures du matin : elle n’avait ni repéré sa montre de mauvais goût, ni son tatouage mal placé. Au petit matin, elle perdait son boulot pour conflit d’intérêt… pendant que lui rentrait tranquillement retrouver sa compagne. Une injustice selon elle, un classique selon moi. Et pendant que je la fixais avec mes yeux de merlan frit, elle s’est légèrement tournée vers moi, comme pour chercher un écho, une écoute, une alliée. Une forme de sororité spontanée, un peu bizarre mais bien réelle. Celle qui, parfois, suffit à transformer une inconnue en copine.

Les bancs de l’école

Si les clubs de sport et les bars apparaissent comme des terrains neutres pour les femmes qui ne mordent pas ; les sorties de maternelle sont aussi des cours de récréation pour les parents. Après 30 ans, on adore la rentrée. Ce moment où les mamans se scrutent comme dans un casting non officiel pour la couronne de la milf. Les papas aussi, d’ailleurs, comme de nouveaux visages, potentiels crushs ou futurs boulets des mamans yogi mal intentionnées. « Je regarde tout le monde, les mamans, les papas… c’est comme un swing, car ce sont potentiellement des copains mais ça, on le sait en quelques secondes » me raconte ma vieille copine Léa.

Chaque matin, c’est la même étude de terrain : alliances à gauche, sacs à main à droite, regards fuyants et petites complicités qui se tissent entre deux “bonne journée mon cœur”. L’école, c’est le coworking des trentenaires. Sauf qu’ici, on dépose les enfants au lieu de nos ambitions.

Au bout du compte, il faut juste se sortir les doigts de notre derrière tout juste musclé. Les copines ne tombent plus du ciel passé 30 ans, elles se méritent. Il faut oser proposer un cocktail épicé, répondre à une story, relancer un message. Se prendre quelques vents, aussi. Parce que les cycles d’amitié se renouvellent, comme les couples, les jobs et les passions. Et tant mieux.

Les nouvelles amitiés arrivent quand vous arrêtez de croire que tout est figé. Elles ont des histoires différentes, des galères à raconter, des punchlines à balancer. Certaines passeront, d’autres resteront, mais toutes auront quelque chose à vous apprendre. Au fond, ce n’est pas une question d’âge, c’est une question d’énergie. Et la vôtre, croyez-moi, mérite d’être partagée.

P.A (Plaisirs assumés) : Un soin chez Seasonly entre copines et un restau grands sourires juste après


Thirties

Thirties

Par Margaux Rouche

Journaliste et consultante en marketing éditorial, je mêle fiction et témoignages pour que mes lecteurs puissent s’identifier dans mes histoires.

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