C’est un profil qui ne se doute même pas de son potentiel, bien trop concentré à récupérer ses enfants et à courir vers la maison pour mixer la purée, raconter une histoire et finir de travailler. Pourtant, ce spectacle de 18h00 a longtemps été notre after work préféré : s’asseoir en terrasse et attendre que les DILF débarquent.
Musique de fond : Daddy Lessons, Beyoncé
Comme un remake du film The Holiday, avec une alternative de Jude Law. Il est beau, mal rasé, il a la trentaine et il débarque à la bourre à la sortie de l’école aux manettes de sa poussette. Il est impatient, content et hâtif de retrouver sa petite famille pour sa bière du vendredi. On rêvasse, on ne touche pas, ça paraît encore très loin et on comprend.
Jude Law, The Holiday
Je m’en souviens comme si c’était hier, on en riait aux éclats car la parentalité nous semblait vraiment loin. On commençait tout juste à bosser, fraîchement diplômées et débarquées dans une rédac’ très féminine. On gagnait peu, on bossait dur et l’un de nos petits casses-croûtes post-boulot consistait à se siffler un verre pas loin d’une école maternelle. On se collait en terrasse entre copines et on attendait que le défilé de la poussette commence. Front row, équipées d’une pinte de blanche ou d’un godet de rosé, les solaires sans protection sur le nez et une Vogue au bec - les cigarettes étaient alors ramenées du Maroc par la collègue plus âgée. Treize ans de boîte et mère de trois enfants, elle s’offrait le Club Med d’Agadir aux vacances scolaires. Comme une brochette de poulettes bien grillée, on espérait qu’ils ne viennent pas accompagnés et qu’ils remarquent la chair fraîche que nous étions.
C’est là que c’est sorti : « Si tu devais choisir là-dedans, tu prendrais quel DILF toi ? ». Angélique attend ma réponse, je balbutie car j’ai peur d’être la seule à ne pas la comprendre. Nous sommes en 2012, j’ai un serre-tête horrible enfoncé sur le crâne et je tente de changer de sujet. Elle saisit mon ignorance, sourit et roule des yeux. « Dad I would like to fuck, Margaux » conclut-elle pendant que Laura se bidonne à côté.
Je matais les jeunes papas qui passaient, c’est vrai, mais comme je matais Brad Pitt qui a 30 balais de plus que moi. L’idée de m’envoyer un jeune papa ne m’avait pas effleurée, cet être me semblait si pur. To fuck, c’est agressif et nécessite d’avoir des pensées érotiques sur un homme engagé avec ses enfants - qu’il ait une vie de couple ou qu’il soit seul. Si je m’entrainais à jouer la précieuse, le rêve se dessinait quand même dans ma tête. Je me surprenais du haut de ma vingtaine d’années à relooker ses fesses alors qu’il installait la prunelle de ses yeux dans la poussette.
Une étude menée par la psychologue Susan Krauss Whitbourne à l'Université de Santa Clara (Utah) a démontré que la théorie de la poussette était universelle. Des photographies d'hommes seuls et avec des enfants ont été utilisées pour évaluer l'attractivité perçue. Bingo, la loi de l’attraction changerait du tout au tout à la vue d’un daddy en train de s’occuper de chérubins. Ils apparaîtraient comme naturellement plus sexy car ils seraient perçus comme plus compétents sur le plan relationnel.
Kevin Hart dans l’émouvant film Fatherhood
Intouchable, c’est exactement le mot que mon meilleur ami m’a donné quand je lui ai demandé comment il percevait son sex-appeal depuis la naissance de sa fille.
Automatiquement, je me marre. Je pense à ses chevilles qui enflent hyper-vite mais je sais aussi qu’il a raison : il n’a jamais été plus rayonnant que depuis qu’il est papa. Lui, n’est pas d’accord, il estime être devenu persona non grata en retournant sa casquette de BG immature pour s’occuper de sa famille. Croyez-le, il ne comprend pas que ses yeux amoureux à la vue de sa progéniture nous font littéralement fondre. Il incarne l’anti-duc de Bridgerton, ce salaud qui refuse de voir sa bien-aimée porter la vie et que toutes les femmes du monde ont détesté sur Netflix malgré sa beauté et son corps de dieu grec.
Le salaud de Bridgerton
C’est drôle car c’est le premier sujet Thirties pour lequel j’interroge autant mon entourage, au moins une quinzaine d’avis pour tout vous dire. C’est aussi la réactivité des hommes comme des femmes à réagir à cette thématique qui m’a piquée. “Un papa trentenaire à la sortie de l’école, c’est vraiment sexy car c’est l’incarnation de l’homme qui prend des responsabilités et qui s’occupe de quelqu’un d’autre que lui. Pas égocentrique, il n’a rien à prouver et il n’est pas là pour faire le coq ” me confie une copine. Aussitôt, on repense à ce crétin qui contracte quand il prend son fils dans ses bras et nous observe du coin de œil à la fête de l’école en explosant le jeu du chamboule-tout.
Le DILF représente une âme pur, un mec bien alors qu’il a toutes les caractéristiques humaines pour ne pas l’être. Il a participé à donner la vie, et cela suffit à lui accorder notre sympathie. Jenna ajoute : “le pire, c’est la poussette ET le chiot en fait. Si le mec a un teckel posé dans le rack en dessous, tu es foutue. On dépasse le stade du désir”. J’adore.
Eddie Redmayne, le fameux
Si se rincer l'œil avec des jeunes papas pimpants a tout de plaisant, une maman célibataire me souligne l’injustice homme-femme de mon histoire : “Je vais peut-être casser l’ambiance mais ça m’émoustille autant que ça m’énerve ce trucs des DILF. On en revient un peu à glorifier quelque chose de normal, d’héroïser chez les mecs ce que les meufs font sans qu’on leur serve des louanges. Typiquement : tout le monde trouve mon ex incroyable à l’école car il est tout seul et va chercher notre fille. Quel courage. De mon côté, c’est limite si on me donne l’heure, je suis une femme, une mère et mon investissement est “normal” aux yeux de la société. Limite, on me fait comprendre que je devrais faire plus”.
La quarantaine, comme la maman de Stifler, pas avant. Je dirais que l’exception se fait quand la femme a eu quatre enfants, et qu’elle a un corps d’athlète de patinage artistique. Ma pote zézette fait partie de ces légendes, ces survivantes que les papas applaudissent en silence à la fête de l’école (je les ai vus de mes propres yeux) : trois grossesses en cinq ans avec un derrière aussi ferme, c’est comme remporter un championnat de Formule 1 pour eux.
American Pie, of course
C’est finalement le côté un peu crado de l’épisode d’aujourd’hui. L’expression Mother I would like to fuck intervient souvent après la quarantaine pour la femme, et ce sont plutôt les adolescents qui s’en amusent. Les hommes n’ont pas ce truc de la poussette, ou du moins cet objet n’a pas plus d’impact qu’un caddie ou qu’une tondeuse. Le comportement nourricier ne les attendrit pas autant que nous.
En 2008, Nicolas Guéguen s’intéressait au phénomène d’attraction du jeune papa. Il publiait dans le journal Evolutionary Psychology un rapport démontrant que les hommes étaient plus susceptibles de recevoir des numéros de téléphone de la part de femmes lorsqu'ils étaient aux commandes d’une poussette. Pendant que je m’interroge sur la véracité de la paternité de tout beau gosse croisé avec une yoyo, je me surprends à vouloir rassurer tous mes amis papas et leur dire qu’ils sont beaux.
Bon, rappelons toutefois que les perceptions peuvent varier en fonction du contexte culturel, des valeurs individuelles et des attentes sociales. Les réactions à la présence d'enfants peuvent différer selon les personnes, elles ne sont pas universellement généralisées à tous les hommes. Rassurons ceux qui manquent de confiance et n’aiment pas leur brioche post-naissance, calmons ceux qui en jouent.
C’est la pépite, DILF of Disneyland soit un compte Instagram qui répertorie les bombasses à poussette croisés chez Mickey.
P.A (Plaisir Assumé) : une jolie robe Farm Rio et des solaires Reformation x Jimmy Fairly car il est temps de partir en vacances