Musique de fond : How does it make you feel, Air
“Elles sont sorties entre copines de bureau, sauf qu’elle est la seule à ne pas avoir changé de vêtements ni trouvé de brosse. Elle était super gênée, l’ambiance était bizarre dans l’open space, car ça ne lui ressemble pas », raconte Marin en riant. Je fixe la table en bois et serre les dents ; mon ostéopathe dit que c’est ce qui provoque mes torticolis fréquents. Je lui adresse une seule et unique question : “Et alors, elle a été efficace au boulot ?” À cela, il répond : “Oui, elle ne semblait pas avoir la gueule de bois, juste un peu sonnée et gênée par le regard de la salle. “ Tu m’étonnes. Je suis dégoûtée, mon copain Marin est un gros beauf.
Le pire, c’est que ce n’est pas fini. Ma meilleure amie, Émeline, est avec nous. Son conjoint, et accessoirement père de sa fille, que j’apprécie très peu, en remet une couche en lui lançant : “Je crois que si tu avais cédé dès le premier soir, je n’aurais pas eu autant envie de te connaître. Faire durer le suspense, c’est cultiver l’autre.” Émeline rugit, heureusement, et lui balance qu’elle en avait en fait très envie, mais qu’il était beaucoup trop saoul pour tenir la cadence. Prends ça dans tes dents, le deuxième beauf de la soirée.
Marilyn pour une nuit, Jackie pour la vie
Les jours suivants, j’analyse le sujet et réalise moi-même qu’il m’est arrivé de taquiner mes amies. “Oh non, jamais le premier soir ! Bon, tu as kiffé ? C’est l’essentiel” ai-je déjà pu lâcher, comme s’il s’agissait forcément d’une aventure sans lendemain. Facile, j’ai longtemps été en couple et je suis un glaçon quand il question du retour post-premier drink à la maison. Et pourtant, il serait judicieux de me laisser aller un peu. Je me remémore une réplique de ma grand-mère, elle me demandait de VIVRE (prononcé très fort) et de me moquer du regard des autres. J’ai analysé son conseil sous un autre angle et je pense que chaque personne est différente en matière de sexualité. La base étant de se souvenir “que chacun fait bien ce qu’il veut”. Merci Ginette.
Si je fais partie des femmes qui ont besoin d’avoir confiance en quelqu’un pour tenter l’aventure, j’envie aussi celles qui foncent pour leur plaisir personnel. Tout le monde a son truc avec le sexe, et je rappelle qu’on a le choix. C’est la chasse à l’orgasme, un point c’est tout.
Ma théorie du pancake
Là où je suis mécontente, c’est de voir qu’encore de nos jours, on puisse percevoir une femme qui couche le premier soir comme quelqu’un de facile qui ne voudrait pas s’engager. Imaginez les pépites dont vous êtes peut-être passées à côté. Accepter une partie de jambes en l’air après un bon dîner n’a rien d’impur, ou d’allumeur. It’s a cherry on the cake, et si la femme en ressent le désir et se sent en sécurité… alors qu’elle y aille.
Prenez le petit-déjeuner d’un grand hôtel, où les pancakes chauds faits minute vous font de l’oeil. Si vous en mangez un (pas trois, ne déconnez pas) le premier matin et que c’est une véritable explosion dans la bouche, vous priverez-vous de cette merveille les jours suivants si vous en avez l’occasion ? Non. Pourriez-vous manger des pancakes à la maison en rentrant si vous appreniez à les faire ? Oui. Ce sera même mieux qu’au début, homemade avec tous les toppings du love de votre choix.
Considérez un premier date réussi et une nuit aussi délicieuse que la soirée comme un pancake. Si l’envie vous dit, alors allez-y et répétez la recette.
How do you sex ?
Coucher le premier soir, c’est une aventure qui ne regarde que nous et ne devrait pas nous coller une étiquette sur le front si le sujet s’ébruite. Pour ça, c’est merci la société et les stéréotypes machistes de l’ancien temps (et encore). Les personnes avec un peu d’esprit ont l’intelligence de réagir avec un joli “bullshit”. Oui, car on s’en fout. Les autres s’accrochent au complexe de “La madone et la putain”. Bon, une version revisitée de l’oeuvre littéraire datant de 1946. A l’époque, Georges Bataille éditait ce roman pour opposer des archétypes : la madone, symbole de spiritualité, et la putain, représentant la sensualité et le désir charnel.
Wake up, on peut incarner toutes ces définitions à la fois. Voire aucune. Chacun fait c’qui lui plaît, Chagrin d’amour.
Ton corps, tes envies
Les stéréotypes m’agacent, et énervent aussi mes amies avec qui j’entame la disccusion. On s’interroge entre nous : tu as déjà couché le premier soir, toi ? On se souvient que certaines oui, et on découvre que d’autres n’avaient pas osé le dire. A base de : “Il ne m’a pas rappelée et j’avais honte” ou encore “Bah, ce n’était pas marquant et on s’en fout… non ?” Certaines ne parlent simplement pas de leurs petites aventures d’une nuit, ça les regarde. Je me souviens d’ailleurs d’un voyage de boulot où l’une des collaboratrices présentes est partie après le dîner. Elle m’a expliqué aller boire un verre, j’ai voulu m’inviter quand elle m’a expliqué qu’elle avait matché avec quelqu’un sur une appli et qu’elle ne prévoyait pas de rentrer seule. Assouvir ses désirs, en faire son terrain de jeu.
Je contacte donc une sexologue, hyper sympa, Cathlyne Smoos. Très bonne oratrice (elle a par ailleurs donné une conférence TEDX sur le cyber-sex il y a un an), elle m’aide clairement à alimenter mon sujet. Notamment sur le rapport au corps, et à la sexualité : “Il y a celles qui sont super à l’aise et qui fonctionnent uniquement avec leur besoin d’avoir un rapport, ou juste des préliminaires. Elles le font uniquement pour elles et ne pensent pas à l’avenir. Il ne faut cependant pas oublier celles qui passent le cap parce qu’elles ont peur de décevoir l’autre, de le perdre et qui n’ont pas assez confiance en elles pour le dire. Ou encore qui couchent le premier soir en pensant que cela pourrait les libérer, les aider à se sentir mieux d’une certaine manière et il s’agit là d’une forme de consommation. C’est du cas par cas. La seule chose qui est sure, et c’est un fait, c’est que la sexualité est souvent associée à des croyances machistes qui alimentent notre façon de vivre une relation qu’elle soit courte ou longue. Je vais loin mais on est parfois sur un cliché de la femme avec d’un côté la mère, la soeur, l’épouse et les femmes respectables, et de l’autre les filles faciles que l’on préfère pour une nuit. Ce genre de cliché existe beaucoup moins au sein des relations homosexuelles, où les stéréotypes anciens sont déconstruits. Le jugement de qui couche ou non le premier soir n’existe pas de la même façon.”
La boîte d’allumette, la baraque à frites, mais encore ?
“Cela a forcément un impact sur les femmes et sur leur façon de vivre leur sexualité librement. Cela touche aussi les relations amoureuses, avec des hommes qui verront (parfois) le sexe le premier soir comme un one shot qui ne mérite pas d’être exploré. Je trouve cela surprenant, car, durant mes consultations, je découvre des couples avec des personnalités sexuelles très différentes. Il arrive qu’ils découvrent, après plusieurs années, qu’ils n’aiment pas les mêmes choses et qu’ils n’ont pas la même perception de la sexualité. Je fais souvent une analogie avec le vin. Beaucoup de gens aiment les bons crus, mais certains le font de façon professionnelle, d’autres de manière très amatrice ou novice. Il y a ceux qui aiment la piquette, puis ceux qui détestent boire et qui ne voient aucun intérêt dans la dégustation du vin. C’est une question de curiosité, de vouloir se connecter avec l’autre et de ce qu’on ressent quand on franchit le pas. Nous sommes vraiment sujets aux injonctions sociétales, car la sexualité appartient à chacun d’entre nous, sans oublier ceux qui en sont véritablement victimes.” ajoute-t-elle. Mes parents m’ont appelée Margaux, je ne veux pas savoir pourquoi.
Et just like that, William
Je continue à ruminer, puis je papote avec mon copain William - il est l’exemple même du mec clean, ouvert et juste selon moi. Du coup, son avis m’intéresse. “C’est une histoire d’électricité. Si tu te poses la question sur le moment, c’est qu’il faut pas. Si le courant est là, la question tu te la poses pas et donc tu y vas. En plus, je trouve qu’à l’époque des app, il y a presque un truc où tu fais descendre la pression parce que tu fonces. Quand tu te chauffes pendant des jours avec la personne, tu veux sortir le grand jeu et c’est un brin décevant. Le premier soir, ce n’est pas calculé donc tout est OK. Si tu n’as pas la culotte de la même couleur que le soutif, tu t’en fous. Alors qu’au 12eme date, t’es un peu en mode représentation je pense. Faut suivre son instinct” m’explique-t-il. Un chic type.
S’écouter, pour mieux baiser
Des mecs qui ne veulent pas coucher le premier soir, oui, ça existe. Ils sont en fait hyper nombreux car encore une fois, on parle de mauvais cliché. S’il est important de déconstruire ces idées beaucoup trop reçues, chaque personne est unique et doit être dans la liberté de mesurer ses actes et ses envies pour ne rien regretter. Qu’importe le sexe, le genre, l’orientation sexuelle : ne pas avoir peur de dire non, et de prendre son temps si l’on en a envie. Il en va de même si l’on veut se lâcher (protection svp) et laisser aller sa sexualité. Namaste.
P.A (Plaisirs assumés) : une bonne douzaine d’huîtres aphrodisiaques (Utah beach, tmtc) et une soirée entre copines dans un bar