Musique de fond : Good luck babe, Chappell Roan
Le meilleur pour la fin, dirons-nous
Depuis le lancement de Thirties, je récolte des témoignages avec les réseaux sociaux, auprès de mon entourage et un même groupe WhatsApp créé pour rédiger mes chroniques. Je cuisine ces confidences et romances contées, les fusionne et permets la naissance d’histoires quasi-réelles et franchement crédibles. Ma première volonté repose sur l’ambition de pouvoir vous livrer des petits morceaux de vie, de vous faire rire et de vous rappeler que chaque épreuve n’est qu’un moment à passer (autant le faire avec le sourire). Peut-être pourrez-vous identifier un proche, et mieux comprendre son comportement. Ou alors, vous serez directement concerné et relativiserez face à une situation qui vous angoisse.
L’autodérision est la clé pour se remettre d’une déception, d’une chute ou d’un échec qu’on a du mal à assumer. Je sais de quoi je parle, je trouve un jour une flasque de vodka en glissant le pied dans une vieille UGG au réveil. A l’époque, je pleure des erreurs de mon compagnon. Aujourd’hui, je me marre en me disant qu’il fallait quand même être con - je mettais mes crocs moins souvent.
Un Bloody Mari svp
Je préfère parler de fiction car aborder ma vie privée n’est finalement pas à la carte de mon propre bar. Privilégier des cocktails remaniés d’anecdotes de trentenaires (dont les miennes) me semble plus approprié. Jusqu’ici, je n’ai pas eu à me mouiller ou admettre que la pilule du divorce n’est pas passée. La douleur d’un chagrin d’amour, les déceptions, relation toxique et deuils qui ont suivi…je sens déjà mon téléphone vibrer avec les lettres MAMAN en plein écran. “Qu’est-ce que tu fabriques dans ton dernier épisode, ça ne va pas bien ?”.
Ne t’inquiète pas laulau, on ne va pas s’étendre sur les confidences gênantes et je suis bien consciente de faire partie des millions de femmes déçues par les promesses d’un mariage et de l’amour véritable. J’ai seulement parlé avec mon copain Pharrell il y a peu et il m’a convaincue que parfois, rien de tel que la réalité pour illustrer le début d’une belle histoire et d’un chouette projet. Et pour le coup, on peut désormais en rire - je n’ai plus rien à payer (sauf des amendes qui me regardent) et le compte commun n’existe plus. J’ai pêché, trop fait la fête et nié que les événements de ces dernières années m’ont épuisée.
Good news, fin de l’année oblige, on repart fraiche comme Margot Robbie. Ceci, quand même, est mon histoire.
Elle est partie trop tôt
Du côté des bonnes gens mariées, en tout cas. Nous sommes en 201*, seulement cinq mois de célibat et bam - alors que le hall d’un hôtel ne m’était jamais apparu comme the place to date, il est là. Blond, grand, surfeur mais pas tant, musclé à souhait, il a la mâchoire de Brad Pitt et le sourire des kiffeurs de l’Amérique. Peux pas mieux faire, il ne faut que 18 mois pour que le mariage soit célébré et que son arrivée dans ma douce France soit actée. La lune de miel est activée, je refuse de penser qu’elle puisse s’arrêter.
Je vous passe les détails et les red flags mais cinq ans après cet émouvant « oui » entourés de nos proches, on se dit non à jamais. Le tout à distance, devant des écrans, dans un bureau sans âme et avec des personnes sans aucune sympathie. La future divorcée ne pleure pas, elle a envie de rire. Je suis où là ?
Wedivorce dot com
Rembobinons deux secondes, et replantons le décor. Le couple ne va plus, la maison est silencieuse, la cave est vide et je suis seule. Il est parti, lui, son accent, sa mèche dorée, ses mille-et-unes anecdotes de musique et cinéma, Bruce Springsteen, notre chien et ses tracas. Il me faut quelques mois pour réaliser, comprendre que ça n’est pas temporaire, que ce doux mariage est un échec et qu’on ne se reverra plus jamais.
C’est le plus douloureux, lui dire adieu pour toujours et savoir que non, ça ne marchera pas. Sa famille me manque, lui aussi, ses bras et sa bouche, son sourire en coin. Ses bons petits plats se sont transformés en une pile de soupes chinoises instantanées, nos soirées calmes sont devenues des fêtes démesurées où je peine à m’arrêter. Je ne sais plus dire je t’aime, je suis anxieuse, fatiguée et je ne crois plus en l’osmose ou le bonheur bien mérité.
Consciente qu’il n’enclenchera pas le D-DAY, je prends les devants et découvre le tarot de ma libération avec des avocats locaux. Me vient cette idée pas si bête de demander aux nouvelles technologies (merci l’IA) si le divorce low cost existe. Cette fois, c’est SIRI qui me répond “oui”, pas lui, et je lui rétorque aussitôt que je le veux.
Il me redirige vers une plateforme façon air help de la séparation. Un agent (call center) gère la procédure de A à Z : tout est centralisé, simplifié, plus rapide. La condition de cette offre vraiment pas chère, qui m’empêche l’acquisition d’un nouveau sac à main quand même, reste de pouvoir gérer le truc à l’amiable. Encore mieux, s’il y a un contrat de mariage. Bingo, je suis éligible - et j’aurais peut-être dû faire sponsoriser cet article, je trouve ça hyper vendeur.
Je tiens à préciser que j’enquête d’abord sur le sujet, et vérifie que la plateforme soit sure et reconnue par la profession d’avocats. Pas de publicité fast fashion ou Dominos pizza pour les horribles dimanche soirs du célibat, ni de proposition de voir une voyante pour 4 euros la minute pour aller mieux.
Grosse bobo que je suis, je ne connaissais que les avocado toast. Pas ceux qui vous conseillent, et vous assistent pour préserver votre liberté ou vous sortir du pétrin.
J’insiste avec un drôle de conseil mais attention aux arnaques en ligne - j’imagine les divorces low cost comme une autre raison de vider un compte en banque (n’utilisez pas votre compte CPF). Gardez vos sous, votre ex vous plumera autrement de toute façon.
Frank Sinatra ne l’avait pas écrite celle-là
Quelques turbulences, mois et disputes plus tard, on tombe d’accord sur une convention comme on aurait choisi la playlist de nos noces. Je mets de l’eau dans mon vin, pas assez maintenant que j’y réfléchis, je ne Fly plus to the moon mais je vais bien. Je vais sortir indemne (presque), la nouvelle vie est proche.
Je suis très entourée et porte un regard léger sur la situation, ça pourrait être pire - vraiment. La conseillère sur la plateforme me fait marrer, la situation me surprend un peu plus chaque jour et j’hésite à faire fondre mon alliance pour orner mon nombril d’un saphir. Toujours plus, vous savez.
La date est posée, rendez-vous le blabla juillet pour signer les papiers. Comme monsieur est à l’étranger, la procédure se fait par visio-conférence. Dans un sens, je suis rassurée, les adieux ne sont pas physiques et on ne se fusillera pas d’un regard triste à la fin.
Le grand jour
Je suis garée à deux pas et en ligne avec ma meilleure amie d’enfance qui me fait remarquer que je suis désormais en retard à mon propre divorce. Il est 32, déjà deux minutes. Je ne veux surtout pas rater mon tour. Je limite la prise de risque, je trace. J’ai un pantalon beige, presque blanc pour la blague, et une bouteille de coca zéro à la main que je renverse (évidemment) sur mes vêtements dès mon entrée dans le bâtiment.
Un passage aux toilettes pour mettre un peu d’eau et me voilà en salle d’attente, entourée de duos qui ne sont plus des couples et qui ne sont pas ravis de se croiser aujourd’hui. Je suis la seule à ne pas faire une paire, mais je m’y suis habituée. Il y a des personnes qui pleurent déjà et moi, mal à l’aise, je tente de cacher les taches que je viens de provoquer sur mes jambes.
Le bâtiment est assez chouette, un coworking plutôt propre avec des jeunes entreprises. Les travailleurs qui arpentent les couloirs pour espaces de réunion nous regardent comme de vieux animaux dans un zoo. J’active mon petit regard sournois, ils ignorent que je n’attends que ça : pouvoir signer, prendre la sortie et hurler à 2025 que j’arrive, je suis une nouvelle femme.
Madame, monsieur est déjà là
Il n’est jamais en retard de toute façon, il a ce bon côté que je n’ai pas toujours malheureusement. J’entre dans la pièce et serre la main de nos deux avocates. Lui, il est sur le petit écran de l’ordinateur posé sur le bureau, je ne le vois pas. Je m’installe et remarque qu’un bloc-notes WeDivorce, un stylo assorti, un verre d’eau et des mouchoirs ont été posés sur ma droite. Chouette branding, je ne suis pas certaine de les emmener en réunion dès lundi à Paris.
La procédure prend 30 minutes, à peine. On récite nos droits, ce qui a été convenu au préalable puis je l’entends rire de façon ironique quand il est précisé qu’il refuse certaines sommes d’argent. Je serre les dents et pense à ce lodge où il m’emmenait passer notre premier été dans un luxe insolent. Viennent ensuite les souvenirs plus tristes, mes longues semaines de travail acharné, ses journées coincé dans le canapé et la mandoline reçue à mon anniversaire. “Plutôt que d’enfiler des perles après son départ, je travaillerai mon revers de spaghetti de courgette” ai-je envie de lui lancer. L’amour dure cinq ans, mon mariage en tout cas.
Prends soin de toi
Pas d’enfant, ni de bien en commun : nous n’avons pas à nous revoir comme le soulignent les deux avocats. Nous sommes d’accord, c’est l’heure de signer. Je l’entends racler de la gorge, je suis un peu émue moi aussi. Je demande innocemment à voir son visage pour lui faire signe, et j’ai l’impression de divorcer sur Chatroulette. Il s’en moque, ne laisse transparaître aucune émotion et demande à quitter la conférence. Au revoir, B - comme je t’ai aimé.
Je lui demande de faire attention à lui, et il s’en va sans la moindre expression. Je pars en vacances dans la foulée et tente de me rassurer. Tout ira bien, mieux, c’est terminé.
Les semaines, les mois passent avec des pics - des hauts et des bas et je fais des rencontres. Je ressens la lumière, ce qui n’empêche pas de grosses erreurs de parcours, je me laisse aller. Pas toujours dans le bon sens ou sans toxicité, je manque à mes principes mais les planètes s’alignent. Décembre commence. Oui, 2025 se dévoile déjà comme une année différente, la première saison de Thirties s’achève et on aura bien rigolé.
Namaste, et à très vite pour ma nouvelle recette de curry bradshaw. Je m’en vais profiter de mes meilleures amies pour mieux vous retrouver l’année prochaine.
P.A (Plaisirs assumés) : un vélo électrique Cowboy