S1 Épisode 7 : L'amour canin

“C'est le coup de foudre dès la première rencontre. Elle me séduit alors même qu’elle avance dans la pièce. Elle n’a pas un physique de madame-tout-le-monde, j’ai rarement vu plus petite qu’elle. Elle rayonne et je comprends que dans peu de temps, elle dormira à mes côtés.” Romain, 36 ans.

Thirties
4 min ⋅ 31/05/2024

Musique de fond : Ben EKing performing Stand By Me

Vous allez vite comprendre pourquoi ce bel inconnu m’a piqué mon chapô. Tout commence un dimanche d’avril, 20h00. J’hésite entre l’idée de manger un bouillon dégueu de légumes ou m’offrir un aller-retour chez le traiteur asiat. J’y gratte une petite sortie mais surtout un effort social bon pour le moral. Je n’ai pas bougé de la journée - sauf pour balader mon chien et déposer un colis Vinted. J’ai le blues et je sais que le combo raviolis x Sex and the city peut changer la donne. Le plateau télé accompagné d’un épisode déjà vu 16 fois a toujours fait le job.

Partenaire particulière

Je prends mon vaisseau, j’attache Gigi mon teckel nain sur le siège passager, puis nous prenons la route vers Yum-Yum. J’arrive sur place, il y a du monde, deux hommes devant moi et l’un me fixe avec les yeux ébahis. Je rougis. Quand mon tour vient, la vendeuse demande si nous sommes ensemble. Il répond “non, mais j’aimerais bien” avec une voix gênée. Il doit avoir 25 ans, il me regarde et sait que j’ai passé la trentaine. Elle a dix ans de plus que moi comme dirait Ben Mazué. Il a commandé le seul truc que je déteste dans ce restau et porte un hoodie Slipknot en 2024. J’ai quand même envie de le remercier.

Je remonte dans la voiture en oubliant la scène et là, moustaches de capitaine retroussées, Gigi est aux anges. Pendant que je rumine, elle vit son moment préféré de la semaine. Elle ne mange pas de raviolis et n’a que peu faire de Sex and the city. Elle aime le dimanche soir car je reste clouée dans le canapé avec elle, en famille.

La vie avec Gigi, c’est comme partager son quotidien avec un mec qui aime la réglisse : je sais que je n’aurais pas à partager mes bonbecs face à l’écran et j’adore cette idée. Elle est douillette et pas trop prise de tête. Seul le quatre pattes a bien changé dans la suite parentale mais c’est comme tout, on y reviendra.

Chien tête en bas

Gigi n’a pas de compte Instagram, contrairement à beaucoup de ses amis. C’est un phénomène que je suis de près sur les réseaux sociaux, et que beaucoup décrivent comme déroutant. Mon pote Joseph me disait l’autre jour : “vous humanisez vos animaux et c’est flippant. Quand je parle de ma fille, vous rebondissez sans arrêt en parlant de la propreté d’un chiot, ou des bêtises que Niagara la Golden a pu faire la veille. Vous osez vous surnommer papa et maman, tu comprends ça Margaux ? C’est grave”. Je ris, il a raison mais j’acquiesce quand même car cet animal est le meilleur ami de l’Homme depuis plus de 15 000 ans. Il a été l’un des premiers à se laisser domestiquer, et il est d’une fidélité incomparable. Plusieurs articles soulignent des études scientifiques et faits réels (chiens domestiques, d’assistance, de patrouille, de soutien émotionnel…) prouvant ces suppositions sur National Geographic. Que nos ex douteux en prennent de la graine, ou qu’ils se refassent les films Beethoven. J’ai visionné Mookie trois fois quand il m’a quitté pour comprendre ce qui était arrivé.

Certains aiment les chiens, d’autres les détestent. Il y aussi la team chat mais bon, pas le temps de nous arrêter là. C’est plutôt rapide quand vous rencontrez quelqu’un : ça passe ou ça casse. S’il a les poils qui se hérissent en voyant votre adorable toutou approcher le canapé, ou s’il préfère que vous veniez non accompagnée chez lui… Sauve qui peut et n’y pensez pas à deux fois. Même si cela fait très longtemps que vous n’avez pas pratiqué la position du chien tête en bas. Préférez votre animal poilu, vous savez vous accepter comme vous êtes.

Rencontre du troisième type

Parce que je ne voudrais pas en dire trop sur ma relation fusionnelle avec les chiens et foutre en l’air toutes mes chances d’être vue comme une femme ordinaire et équilibrée à l’avenir, j’ai choisi de donner la parole à un héros pour ce sixième épisode. Il s’appelle Romain, il a 36 ans et je ne l’ai pas rencontré pour la première fois dans un vidéo club. Mieux encore, il promenait son chien dont je ne saurais identifier la race (je crois que personne ne peut, d’ailleurs) dans un parc parisien et nos amis baveux ont apprécié jouer ensemble. Cela faisait un moment que j’espérais parler de l’amour canin et cette discussion est tombée à pic.

Jenga et moi

Il est fastidieux de rencontrer l’être parfait, j’aime d’ailleurs me dire que ça n’existe pas. Chacun est fait de qualités et de défauts qui lui appartiennent, et c’est là toute la beauté d’une relation qui dure. Quand je jette mon dévolu sur Jenga, je vis en solitaire depuis deux ans. Mon mariage n’a pas tenu et j’espère retrouver ce bonheur lunaire que j'effleure autrefois du bout des doigts. J’imagine toujours le pire et son petit regard malicieux me laisse comprendre que cette potentielle idylle ne sera pas de tout repos. Il faudra s’apprivoiser pas à pas, trouver de nouveaux rituels pour ne pas reproduire le schéma d’autrefois.

C’est peut-être un peu tôt, je ne sais pas. Le premier soir, quand elle rentre avec moi, j’hésite : la suite parentale, vraiment ? J’ignore si je suis en mesure de passer ce cap. C’était notre chambre, notre lit. Dois-je inviter Jenga entre ces murs qui étaient bâtis pour une autre vie ? Moi qui n’avais jusqu’ici que des amourettes d’une nuit, je comprends que la situation est cette fois différente. Je l’invite à dormir en bas, je ne veux pas qu’elle prenne de mauvaises habitudes car ça reste chez moi. Je la couvre de baisers et lui propose de l’eau pour la nuit. Elle pensait à l’étage, je la vois déçue mais je ne veux pas que l’on se précipite.

Dès nos premiers échanges, je distingue certains points communs : elle a un caractère de chien, elle aime les friandises, l’aventure et a l’air douée pour se cogner un peu partout dans la maison. Elle n’a pas peur, pas même quand je hausse le ton. Jenga est un chien rescapé de moins d’un an. Elle prend de la place dans le lit aujourd’hui et c’est une jalouse comme pas permis. Elle passe au scanner toute inconnue passant la porte de son palace de 55m2 car elle connait les risques d’une nouvelle arrivée.”

Elle a du chien

Romain est à l’extrême, mais il a beaucoup d’auto-dérision. Il sait que son chien est omniprésent et je lui rappelle qu’il peut aussi rencontrer des personnes qui aiment les animaux. Je lui paye un café et retourne bosser, il m’a bien aidée.

L’après-midi, je regarde chaque personne ayant une compagnie en laisse dans Paris. Je ris de la blague selon laquelle les maîtres ressemblent à leurs chiens et je tente d’imaginer une histoire à ces amitiés. Dans un refuge, un élevage ou par coïncidence face à une annonce, ils ont choisi d’adopter. Ou ils ont fait entrer quelqu’un dans leur vie qui avait déjà sauté le pas, et s’en accommodent en jolie famille recomposée. J’aime cette idée, Gigi se met à japper et je lui aboie dessus pour qu’elle arrête. Chienne de vie, me lance-t-elle du regard. Je souris et continue d’avancer, teckel nain en tête de marche. 

P.A (Plaisirs assumés) : Un canapé vetsak et une carte cadeau chez The Wouf Store.


Thirties

Par Margaux Rouche

Journaliste et consultante en marketing éditorial, je mêle fiction et témoignages pour que mes lecteurs puissent s’identifier dans mes histoires.

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