Thirties, c’est évidemment une histoire de millennials - cette génération bercée par les publicités Crunch, le premier et dernier album d’Aqua, les souvenirs de la victoire 1998 à base de soirée barbecue tartinée de mayo kid. Et si la prénommée "crise de la quarantaine" approchait mais n’avait rien de celle que nos parents avaient connue ?
Musique de fond : Upside Down, Jack Johnson
Bien sûr que nous avons de la chance : nous ne connaissons pas directement la guerre, la famine ou bien d’autres fléaux qui touchent des personnes de notre âge aux quatre coins du monde. Il est bon de le rappeler, surtout si l’on vient d’essuyer une embrouille de pacotille avec une amie ou que l’on pleure à chaudes larmes car le bonus de mi-année n’est pas tombé.
Chacun rencontre des problèmes à son échelle mais je commencerais cet épisode par souligner l’importance de chérir ce qui nous entoure. La Terre n’a pas encore valsé (la biodiversité a pris une énorme claque, petit rappel), les bombes ne tombent pas sur NOS toits et nous sommes pour la plupart en bonne santé. La politique pêche, mais êtes-vous allé voter ? Voilà, rendez-vous le 30 juin pour cet autre bouquin.
Je parle pour moi, car je pourrais jalouser la génération de mes parents, les petits chouchous des 30 Glorieuses, qui groovaient sur le son de leur nouvelle machine à laver et dont le pouvoir d’achat était quatre fois plus élevé. Véridique, les millennials rament ou pataugent pour mettre de l’argent de côté. Nous sommes les petits diplômés de la crise des subprimes et, malgré la révolution numérique, on surfe sur la récession mondiale depuis qu’on a le droit de bosser. Allez, qui avait parié un tour du monde, un troisième enfant ou un Golden Doodle pour fêter ses 15 ans de vie active ?
Mains sur le clavier, je confie avoir espéré pouvoir emmener ma famille en voyage ou les gâter de manière démesurée à Noël afin de les remercier de leur travail acharné et investi pour nous éduquer. Good news, ils apprécient tout autant une trilogie de pâtes à la pizzeria du coin (dans les Hauts de France, bien sur) et me répètent avec un sourire bienveillant « tu n’aurais pas dû » quand je paye mon restau une fois tous les six mois. Si vous me lisez, sachez qu’un jour - on ira les manger à Rome sans ticket restaurant.
La crise de “moitié de vie” comme nos amis outre atlantique l’appellent (mid-life crisis, plus cool que ce quarante français qui clignote et file de l'arthrite) intervient à différentes échelles, et surtout à des moments décalés. Tout dépend de notre situation émotionnelle, professionnelle, sentimentale. Le besoin, le manque, l’envie, la passion ou l’adrénaline de revivre ses meilleures années viennent gonfler notre envie de changement. Autrement dit, on a peut-être poussé le bouchon de notre sangria premier prix un peu trop loin à l’adolescence et on voudrait maintenant le faire avec un magnum de Dom Pé sauf qu’on a que du Prosecco au frigo. Toujours plus, jamais moins.
Fut une époque où l’on résumait uniquement la crise de la pré-quarantaine au désir puissant d’individus de s’offrir une nouvelle voiture, défiler au bras d’une petite jeune bien zappée ou de s’équiper d’une nouvelle paire de seins. On mentionnera les implants capillaires plus tard, c’est encore tabou pour beaucoup. Aujourd’hui, les choses évoluent et c’est en partie dû à l’inflation, à l’évolution des mœurs et au simple fait que l’on ne succombe plus au même type de folie.
Une étude récemment menée par le Thriving Center of Psychology aux Etats Unis s’est concentrée sur la nouvelle crise de milieu de vie. Résultat : nous sommes trop pauvres pour prétendre aux craquages de nos aieux. Par là, j’entends le financement d’une nouvelle apparence, l’adoption d’un nouveau passe-temps élitiste, la consommation accrue d’alcool ou un déménagement… Des signes distinctifs et synonymes de réussite que l’on ne se permet plus aussi facilement qu’à l’époque. 81% des 1000 sujets millenials interrogés ont affirmé qu’ils n’avaient pas (encore) les ressources pour s’envoyer the gros kiffe. Sauf si celui de votre mec est de tout plaquer pour la nounou de 23 ans, ou de se passionner pour la course à pieds - ça reste raisonnable en terme de prix mais encore plus dangereux.
A l’inverse des baby-boomers, notre définition de la réussite ne serait plus liée directement à l’argent ou à la peur de vieillir. On se fouterait de conduire une sportive à 40 ans et on accepterait plus facilement les 10 cheveux blancs qui se multiplient sur notre caillou. Toujours d’après la recherche du Thriving Center of Psychology, les millennials seraient davantage concernés par une crise de but et d’engagement. En effet, on a beau avoir été poussé vers les études et motivé à viser les étoiles, on en arrive à un stade où l’on s’interroge : suis-je satisfait de ma vie ? l’argent ou le statut social m’importaient-ils tant que ça ? Je rejoins un peu cette réflexion, on s’en fout de la crise de la quarantaine.
Pour échapper aux sentiments de stagnation, on rumine et cherche une solution. Le raisonnement est bon, les décisions qui en découlent pas toujours mais il s’agit finalement d’une expérience unique, personnelle qu’il est malheureux de qualifier de “crise”. Certes, le magazine américain Fortune précise que nous gagnons en moyenne 20% de moins que nos parents au même âge - sans compter les prix qui ne cessent d’augmenter qu’il s’agisse de logements, transports ou biens de nécessité - mais nous avons appris à vivre autrement.
C’est en parlant avec ma copine Laura que j’ai compris qu’on avait à faire à un tout autre perturbateur quant à notre blues d’adulte. Celui du jardin voisin. Laura a quelques années de plus que moi, son compagnon voyage en permanence et elle peine à gérer un boulot et deux jeunes enfants la semaine. Elle m’a parlé de son anxiété, de sa perte de but et d’identité qu’elle ressent parfois depuis la naissance de sa fille.
“J’ai compris que même si ma vie m’allait, c’était de consommer celle des autres qui me faisait bouillir. Une fois les enfants couchés, je scrolle les réseaux sociaux sur mon smartphone. Une belle maison, une eau turquoise, un compagnon démesurément attentionné, la liberté, le soleil et un nouveau sac à main… le bonheur excessif des personnes que je suis sur Instagram a commencé à me bouffer. Je crois que ça impacte vraiment ma santé mentale car on trouve toujours l’herbe plus verte dans le jardin d’à côté.” nous a-t-elle expliqué à l’apéro vendredi dernier, alors que je me plaignais de voir mon ex avec sa nouvelle gonzesse en Grèce dans des stories inutiles.
Myriam était d’accord, elle justifiait sa propre crise par le visionnage de nos copines de lycée aujourd’hui mères de famille épanouies sur les réseaux sociaux. Elle venait de signer un divorce houleux et bloquait sur son horloge biologique qui continuait de tourner. Myriam n’avait aucune envie d’un bébé dans les pattes, elle passait ses journées sur Hinge et pouvait s’épiler les sourcils pendant trois heures en parlant d’elle. Sauf qu’elle développait un réel complexe d’infériorité face aux hot mammas qui envahissaient son fil d’actualités.
Mon boulot, même si je me sentais aussi concernée parfois, revenait à lui rappeler qu’un hashtag #mamancomblée ou #septmoisdamour lui filait des boutons depuis la naissance de Facebook. Une grossesse l’empêcherait aussi de siffler sa bouteille de rosé du vendredi soir ou de danser Vogue Lilas au bec. Myriam se resservait l’équivalent de deux verres avec le sourire aux lèvres, quand je lui partageais ce commentaire.
Oublions le stéréotype de la crise de la quarantaine, et acceptons seulement la réalité de vouloir donner un sens à sa vie ou de faire le point à un âge mur pour la toute première fois. Et cette histoire de sentiments peut intervenir à n’importe quel moment, tout dépend de l’expérience que l’on a choisi de mener. Le magazine The Skimm propose même de ne plus utiliser le terme “crise” et de zapper cette étiquette que l’on associe à nos propres émotions. Il parle même de Middlescence, soit la suite naturelle de l’adolescence et un chapitre de la vie où notre jeunesse et nos rêvent nous incitent à nous interroger. J’aime cette façon de voir les choses, elle est une ouverture à de nouveaux projets, à une adrénaline d’entreprendre quelque chose de beau et de nous répéter que - quoiqu’il arrive - le meilleur reste à venir.
P.A (Plaisir Assumé) : Une soirée entre copines et une caisse de Minuty.