Une étude venue de Cambridge parle à ma place : 32 ans, la fin de l’adolescence. Quelques années passent et je me regarde, l’air dépité. En effet, le nombre de cadeaux de Noël est divisé par huit, les personnes à table aussi, et ceux à qui on excuse tout à table mangent les mêmes petits poissons panés que moi le mercredi midi. Que s’est-il passé ?
Au lieu de pleurer parce que mes enfants refusent les brocolis, je mâchouille une sucette au miel, affalée dans un togo inconfortable. Ordinateur sur le ventre, pyjama tartan, je scrolle les promos de mes prochaines courses et j’envoie un « no go » à une copine proposant un verre de vin un jeudi soir. C’est tout. Rien d’héroïque. Juste novembre.
"Non mais là on s’apprête à finir un cycle, et à débuter une nouvelle ère de notre vie" commente Valentine pendant que je potasse mon horoscope sans grande conviction. Je lève les yeux au ciel, puis à droite, signe que je réfléchis pour de vrai. Neuf ans putain, ça dure neuf ans.
Il y a ceux qui vivent avec, et ceux qui subissent à cause d’elles. Les vacances scolaires : ce calendrier parallèle qui régit nos vies, nos prix, nos humeurs, même quand on n’a jamais touché un cartable.
On la croise quelques fois. Elle rit un peu trop fort, réussit un peu trop bien, attire un peu trop l’attention. Elle agace, sans même le vouloir. Pas parce qu’elle est méchante, non mais parce qu’elle renvoie à ce qu’on n’assume pas encore chez nous. Cette fille qu’on n’aime pas, c’est souvent celle qu’on aimerait être un peu plus.
Sur le point de sortir de ma voiture pour hurler sur des livreurs, je fixe l’horloge du tableau de bord en serrant les dents. Mon visage, émacié par la tension matinale malgré mes pommettes d’enfant bien nourrie, trahit une frustration dont je suis la seule responsable : je vais (encore) être en retard.
Attachée aux amitiés durables, j’ai rencontré mes indispensables une à une, entre l’école primaire et mon premier job. Moi qui croyais avoir perdu la foi de socialiser avec d’autres amazones, je réalise à 35 ans que l’énergie de nouvelles femmes dans ma vie est un véritable moteur. Qui l'aurait cru il y a encore deux étés ?
À trente ans, on reconnaît un vin nature à l’étiquette mais on grimace encore devant une playlist trop premier degré. Juger est un sport national, que j'ai moi-même pratiqué sans m'en rendre compte.
Nostalgique et incontestablement peinée de voir l’été s’en aller, je m'accroche à une idée positive pour accueillir l’automne, ou du moins m’y préparer. Neuf mois : c’est ce qu’il m’aura fallu pour accoucher d’une nouvelle chronique et l’idée même de percevoir vos yeux globuleux déchiffrant ces lignes me terrifie.